Sages
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Ma première expérience de satori s'éleva au cour d'une session de zen mais seulement après neuf ans de
soins psychologiques et de pratiques intensives de la méditation. Ce fut en quelque sorte comme si, la préparation et la purification étant suffisantes, j'étais maintenant mûr. Une nuit, je rêvai d'une montagn
sacrée avec à ses pieds les temples dédiés aux saints du passé. Je sus qu'ils n'étaient visibles que pour une
minorité. En rêve, j'escaladai la montagne tout en mangeant un grand cornet de glace, tandis que tous les enfants du monde dévalaient de son sommet, galopant joyeusement vers le monde. Moi j'avais une glace et je m'esclaffais. Pour nous tous, il n'y avait que rires et innocence. C'était très différent de mon enfance réelle comme si de nouvelles possibilités s'ouvraient à l'intérieur de moi.

Peu de temps après ce rêve, je participais à une retraite de printemps. Je me souviens avoir experimenté une méditation profonde et pure. Je pensai que je commençais à trouver ce que j'avais tant cherché — mais j'en savais suffisamment pour ne pas m'accrocher à cette pensée et continuai à méditer. Puis au quatrième jour, mon esprit sombra dans le chaos je me dis : « Bon ! Je m'étais trompé » Mais au lieu d'utiliser ma concentration comme une épée pour trancher la confusion et chasser au loin tout cela, mis à part cette base de lumière, j'embrassai ce chaos de tout mon coeur. Mon corps, mon esprit et le monde commencerent alors à s'ouvrir. Il y eut comme une grande vague déferlant au-dessus de moi. J'étais empli de joie et de clarté. À la fois vide et plein, un hiver froid en même temps qu'un chaud printemps. Je sentis que je pouvais tout comprendre.

Cela continua pendant des jours et des semaines. Je me souviens des sessions du milieu de l'après-midi lorsque tout le monde était fatigué, assoupi, luttant contre le sommeil. Moi, j'étais tellement heureux. Nous pouvions aller voir le maître zen pour qu'il nous pose ses impossibles questions. je souriais à moi-même. « Oh ! J'en connais la réponse. » Et je me contentais de rester simplement assis. L'énergie s'élevait, s'éle­vait.

Pour finir, j'allai voir le maître et il me posa l'un des plus vieux koans, ponctué d'un petit geste de la main. Avec ce geste, la chambre entière s'effaça. Tout avait disparu — le vent, les étoiles, les chiens au-dehors. Nous disparûmes tous dans la même immensité. Il n'y avait rien, il y avait tout. Je me mis à rire et à rire, émerveillé. Je connus l'esprit de mon maître et l'âge du monde. Mon corps était transparent, le souffle du vent devint ma respiration et mes pas la terre en mou­vement.

Après cela, ma vie fut très joyeuse, vivante ; mes peurs les plus anciennes furent balayées, elles dis­parurent tout simplement. J'étais enfin vraiment vivant. Même si pendant des semaines et des mois j'ai souri, ce fut une période bizarre. Dans la communauté, je ne parlai à personne de ce qui m'arrivait car je savais que les gens, d'une manière ou d'une autre, se senti­raient exclus. C'est ainsi que je devins très vite conscient de toutes les limites douloureuses du monde et compris comment, même à l'intérieur de cette grande ouverture, les limites doivent absolument être res­pectées.


Source : http://fr.sages.wikia.com/

Apres l'extase, la lessive, Jack Kornfield

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